31 mars 2003

Serveurs

A Istanbul, il est possible de manger à n’importe quelle heure de la journée, un peu comme à Paris dans les brasseries, mais là, ce sont tous les restos qui restent ouverts. Avec ce que je mange comme poisson accompagné de roquette, soit il va me pousser de longues incisives, soit des nageoires !
La plupart du temps, l’un des serveurs se propose pour me préparer mon poisson. J’hésite toujours un peu (une expérience précédente m’a rendue méfiante), mais ces derniers temps, ils s’y prennent comme des chefs et ont la délicatesse de virer la tête : je ne supporte pas ces yeux vitreux qui me regardent d’un air accusateur…
Puisque j’en suis aux serveurs, je vais parler un peu de la gente masculine turque. J’entends évidemment par là tout citoyen dûment estampillé par la République de Turquie, vu que pour l’instant, je n’ai pas encore croisé de spécimen d’une ethnie susceptible de se différencier notablement des autres.
Je prends donc le risque - non négligeable - de me faire épingler par les féministes acharnées, mais désolée, les mâles sont naturellement plus nombreux dans mon environnement : promis, juré, c’est même pas de ma faute d’abord ! Que celles qui tiennent absolument à rétablir l’équilibre fassent leur part de boulot…
Donc, depuis que je peux communiquer un minimum en turc, non seulement ils sont toujours aussi empressés et serviables, mais en plus ils surenchérissent sur le mode admiratif ! Ca donne de longues discussions en turc et en anglais et on arrive à se dire pas mal de trucs : même au niveau politique, ils se braquent beaucoup moins.
Du coup, je n’ai jamais autant parlé anglais, d’autant que les 2 Indiennes et les 2 Américaines - avec qui je vais en cours et qui m’accompagnent de temps en temps au resto ou en visite - prétendent qu’elles me comprennent très bien, même Kat qui est prof. Toutes les 4 très simples et sympathiques (malgré le niveau de vie particulièrement élevé pour certaines, comme quoi…) et toutes anti-Bush !
Revenons aux serveurs (mais c’est valable aussi pour les autres). Les très rares occidentaux qu’ils ont rencontrés et qui apprenaient le turc avaient des raisons professionnelles (généralement des profs de langues étrangères en Turquie) ou étaient mariés à des Turcs. Ca ne vient visiblement à l’idée de personne d’apprendre le turc sans raison impérative. Du coup, je fais pratiquement partie de la famille et ils se mettent tous à patrouiller avec un petit sourire supérieur satisfait… Evidemment, ça se transforme rapidement en défilé incessant et si j’ai abandonné l’idée de pouvoir lire tranquillement au resto, je peux toujours me divertir du spectacle : même les petits jeunes les plus timides tiennent à venir me dire quelques mots… en se tortillant ! Le dernier qui est venu courageusement pour bégayer que j’étais çok çok güzel (au passage pour ceux qui ne me connaissent pas, en fait je suis tout à fait normale : eux, c’est moins sûr !), a voulu savoir mon âge… et a laissé échapper un «Oups» embarrassé à otuz yedi, avant de se reprendre en prétendant que lui avait 29 ans (à mon avis, au pire 19) : ça ne se fait pas de poser des questions indiscrètes à une nana qui pourrait être votre mère !
Avec tout ça, je n’éprouve pas la moindre nostalgie à l’évocation de nos serveurs parisiens… d’autant qu’ici, s’il n’y a personne pour veiller sur vous, c’est à eux de le faire ! C’est un véritable devoir de protection qui s’impose à tout mâle turc : donc, n’hésitez pas à avouer que oui, vous êtes seule (curieux comme ils sont, ça paraît difficile qu’ils ne posent pas au moins une fois la question) ; non seulement on s’occupera de vous comme d’une fragile petite chose, mais en plus la tranquillité est assurée. Votre protecteur improvisé (le plus âgé ou le plus gradé) ne laissera personne vous ennuyer, et son sens de l’honneur l’empêchera en prime de tenter quoi que ce soit !
Il est génial ce pays ! Non seulement ils sont d’une serviabilité exemplaire, mais en plus ils me donnent tous largement moins que mon âge (sont sincères, suffit de voir leur air confus). Au surplus, la mode squelettico-anorexique ne leur a pas encore chamboulé le cerveau (les femmes, notamment les plus jeunes, tentent elles de rattraper le retard qu’elles ont pris sur les Européennes dans le sacrifice de leurs hideuses rondeurs féminines…).
Question : ai-je une seule bonne raison de rentrer (même temporairement) à Paris ?

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