20 septembre 2004

Nusaybin, suite

Réveil vaseux, je tiens a peine debout. J'espere que ça ira mieux apres 2 dolipranes et un café. J'attends que ça passe en consultant mes mails, mais ça va de moins en moins bien et je ne me sens pas vraiment le courage de porter 25 kg sous un soleil de plomb. Supporter des km dans un dolmus bondé ou un car a la clim assassine ne m'enchante pas beaucoup non plus. Finalement, quitte a être malade (ce qui arrive a chaque fois avec la chaleur et la clim), autant que ce soit ici.
Je préviens le réceptionniste que je reste finalement une nuit de plus et je retourne me coucher. Avec la fievre, je tombe de sommeil, mais impossible de dormir et encore moins de lire : autant aller végéter au salon.
Je ne reste pas longtemps seule. L'un des habitués me tend une gauloise : parait qu'on en trouve facilement en Irak et en Syrie. Comme je ne l'ai pas mordu, ça encourage les autres qui viennent s'installer un par un pour discuter, pendant qu'un peu plus loin un conférencier improvisé (inconnu au bataillon) m'invente une saga digne d'Indiana Johns version femelle et la raconte a qui veut l'entendre : parait que les keufs sont passés hier, ça aide a broder !
Mon voisin le plus proche, qui a voulu savoir mon âge, passe une bonne heure a s'exclamer incrédule a intervalles réguliers : "Otuz dokuz !" (39), et ça finit par se propager dans toute la salle qui réalise que j'ai "tres légerement" plus de 25 ans. Ils me font même lever et tourner pour évaluer, mais ne veulent pas en convenir. Je tiens toujours a peine debout, mais je suis pliée de rire !
Selim qui m'a rebaptisée Berfin (a priori, ça doit vouloir dire perce-neige) m'emmene au resto d'a côté a peine arrivé. Il a l'air nerveux, tendu, malheureux et en même temps plein d'espoir. Je préfere le détromper tout de suite : je suis restée une journée de plus a cause de la fievre... Repas pénible. Il a du mal a parler et il lui faut plus d'une heure pour se reprendre un peu.
Le probleme avec eux, c'est qu'ils n'arrivent pas a se blinder au moins un minimum. Côté coeur, ils sont sans défense et chaque départ leur en fait revivre d'autres, plus anciens et irrémédiables.
Selim a (avait ?) un fils de 18 ans, un étudiant brillant parti faire des études de sociologie a Ankara. Il a disparu du jour au lendemain sans laisser la moindre trace : police, enrôlement dans la guérilla, mort, vivant ? Ca fait 7 ans que son pere ocille entre doute, chagrin et lueur d'espoir.
Rien n'est pire que l'incertitude et ici ces histoires sont monnaie courante... leur transfert sur moi (celle qui va partir) aussi, d'ou probablement le coup de massue quand ils réalisent qu'ils ne peuvent ni me retenir, ni me protéger : pas plus qu'ils n'ont pu le faire pour les leur disparus. Ils finissent par se rassurer un peu quand ils constatent qu'on peut partir et donner des nouvelles, et parfois même revenir...

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