13 août 2005

Mossoul

Ahmet roule comme un as de la cascade : 1 heure a me demander si on ne va pas finir par se prendre un des camions qui viennent en face... mais non, il assure !
A 8 h, on attend Abdulbari dans le jardin de sa maison dans une campagne calme et paisible. Il arrive avec un peu de retard pour nous apprendre que la situation est instable a Mossoul et veut savoir si on tient toujours a y aller malgré les combats et les risques d'attentat.
Je me sens en totale sécurité et je n'ai pas sacrifié de précieuses heures de sommeil pour faire demi-tour maintenant ; Tom n'hésite pas longtemps a céder aussi a la tentation.
J'ai droit a un foulard qui passe son temps a vivre sa vie, et Tom doit ranger ses lunettes de soleil et son khéfié. En gros, le moins possible de traces d'occidentalisation, les étrangers étant des cibles de choix.
Les uniformes aussi, ce qui explique que nos peshmergas portent une chemise par dessus : tout est pensé avec un professionnalisme qui en dit long sur l'efficacité de notre escorte. Chacun sa voiture pour diviser les risques, voitures banales et pas le confortable 4x4 d'hier qui attirerait l'attention.
Abulbari monte avec moi et prend la mitraillette qui était devant. Sur la route dont la premiere partie est sécurisée par des peshmergas (plusieurs contrôles sourires), il fait arrêter la voiture pour que je puisse photographier un ancien palais fortifié de Saddam. La réaction des 2 autres véhicules est instantanée et aurait constitué une protection efficace en cas de danger.
A l'approche de Mossoul, il se marre gentiment devant ma maladresse a essayer de donner un minimum de vraissemblance au foulard : j'arrive presque a m'étrangler avec tellement je suis douée !
Arrivés dans la ville, je prends un dérisoire petit chat mort, mais la zone est dangereuse et je dois planquer les appareils.
En descendant de voiture, j'ai a peine le temps de prendre trois photos avant de sentir la montée du malaise. Ca m'arrive souvent ces derniers temps, mais il suffit que je reste assise quelques secondes pour que ça passe. Le probleme c'est qu'ici je n'ai pas quelques secondes et que marcher encore quelques pas c'est l'évanouissement garanti ! Heureusement, Tom me prête une épaule secourable pendant que je peste intérieurement que j'aurais pu choisir un autre moment !
Je suis bientôt entourée de mitraillettes compatissantes surmontées de peshmergas légerement inquiets, avant de me retrouver un coca dans une main, une clope dans l'autre, et brusquement en pleine forme avec un UPK accroché a un bras via un tensiometre et qui répete "c'est bas, c'est bas" d'un air pénétré... aucune idée de mon niveau de tension et lui non plus je crois : savait juste qu'un tensiometre ça s'utilise dans ce genre de situation !
Dans la cour, il y a un trou provoqué par une grenade d'il y a 2 jours et des traces de balles sur les murs : souvenirs de l'attaque avortée ou le bras droit de Zarkaoui a rejoint son Allah sanguinaire (j'ai son camion en photo : du chartbé en charpie, pas de son dieu fou commanditaire !).
Dans les locaux de l'UPK, un journaliste assure des émissions de radio ou collaborent également des enfants et s'occupe d'une publication.
Nous passons pas mal de temps dans le bureau d'Abdulbari qui navigue entre administratif et réglage de questions cruciales comme s'assurer la collaboration de tribus. Je lui demande si il a un message. Si ça nous paraît simple et évident, ça n'a pas l'air d'aller de soi pour tout le monde : "Dites qu'il existe un pays, le Kurdistan, qui veut vivre en démocratie"...
Les peshmergas ne se font pas prier pour prendre la pose. J'en profite pour exiger des sourires a la place de l'air sérieux conventionnel : ils ne se le font pas dire 2 fois !
Nous sommes invités a prendre le thé a la caserne d'a côté, mais faut attendre un peu pour les photos : le commandant est parti se faire tout beau !
Ils sont tellement mignons et enthousiastes que c'est difficile d'imaginer qu'ils risquent leur vie tous les jours, quand ce n'est pas plusieurs fois par jour...
Apres un repas dans ce qui doit tenir lieu de mess des officiers, nous laissons Abdulbari qui n'a pas l'air de chômer pour partir avec Ahmet (notre chauffeur garde du corps) et un attaché en communication moustachu avec qui je ne me sens pas en phase des le début : c'est rare avec les Kurdes, mais ça arrive de temps en temps.
En chemin, on s'arrête pres d'un pont ou Tom en profite pour lachement m'abandonner pour aller se baigner avec des gosses, bientôt suivi par nos gardes qui n'attendaient qu'un signe de consentement de ma part... j'enrage de ne pouvoir les suivre, mais sans short, c'est trop limite.
Super journée ! ... jusqu'ici.
En repartant pour Duhok, appel de Sophie qui nous attend. En apprenant que nous sommes allés a Mossoul, elle s'exclame ne doutant visiblement de rien : "Super ! Vous m'avez fait un reportage alors ?". Sûr que je vais bosser gratuitement pour qu'elle n'ait plus qu'a signer !!!
Elle insiste pour aller a Suleymaniye. En fait, sa principale préoccupation c'est de rencontrer le PKK, alors que ça a été fait je ne sais combien de fois et que je peux lui réciter presque mot pour mot le discours propagande du groupe témoin que le parti met gracieusement a la disposition des journalistes crétins.
Elle est allée a Diyarbakir sans trouver le moindre contact : ça laisse plus que rêveur ! Elle compte donc sur les miens, mais je ne suis pas au Kurdistan pour l'aider a justifier ses notes de frais et faire de la pub aux adorateurs de l'Illuminé de l'humanité !
Tom m'apprend qu'elle a profité de parler arabe pour faire croire aux Kurdes que j'étais photographe du Monde et donc que je dépendais d'elle. La moutarde commence sérieusement a me monter au nez, d'autant qu'elle m'a demandé deux fois si elle pouvait demander a l'UPK et au PDK de lui faire rencontrer le PKK, que je lui ai répondu deux fois par la négative, explications a l'appui, et qu'elle a quand même été poser la question dans mon dos a l'UPK.
Elle s'est bien évidemment faite éconduire poliment (et passer pour une conne par la même occasion), mais prétendre par dessus le marché décider a ma place de mon programme, la, ma patience atteind ses limites !
Nous perdons donc un temps précieux (nous n'avons que 5 jours) pour aller dormir a Suleymaniye et irons demain a Salahadin, si elle ne vient pas encore foutre son bordel... d'autant qu'une intuition commence a me faire envisager que ça risque d'arranger nos accompagnateurs de faire semblant de croire a ses bobards, même si le moustachu est déja venu me confier qu'elle le fatiguait !

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